Marinette Helbert
L’énergie s(c)olaire
Son accent de Villeneuve-de-Berg, Marinette y tient ! Même si un inspecteur de l’Éducation nationale lui a prédit que ses élèves ne sauraient jamais lire à cause de lui. Mais les nombreux témoignages de reconnaissance qu’elle reçoit encore aujourd’hui lui offrent un sérieux démenti. La méthode Marinette Adepte de la pédagogie alternative, Marinette a appliqué une méthode proche de celle de Freinet* . « Ma façon d’apprendre à lire sans lire… de livre pouvait surprendre. Le livre, on le faisait nous-mêmes. Le matin, chaque élève racontait une histoire, ce qui permettait de travailler l’élocution, l’écriture, le vocabulaire et la grammaire. » Cette méthode, elle l’éprouve dès ses débuts dans les écoles iséroises où elle valorise aussi beaucoup les arts. Afin de s’initier au modelage, elle s’offre une formation animée par… Yves Helbert. « Le coup de foudre. Mes parents n’étaient pas contents parce qu’il était artiste. En plus, il avait 16 ans de plus que moi. Cela m’était égal ! Mon seul regret est de ne pas avoir eu d’enfants. » Mais ne vous avisez pas de lui demander si elle considérait ses élèves comme ses enfants. « J’avais surtout pour ces gosses un véritable attachement. »
Passion transmission
Sa passion de la transmission, elle la reçoit de deux enseignantes. La première, institutrice de campagne, indique à sa mère que la jeune Marinette, aînée d’une fratrie de huit enfants, devrait se diriger vers l’enseignement. « J’étais une élève appliquée car j’aimais mes profs ». Quant à sa directrice de collège, elle l’encourage et Marinette lui doit « le gîte, le couvert, mes études et ma passion du chant. » Comme ses parents étaient très pauvres, « elle m’a payé mon internat et entraîné dans sa chorale, en me disant : tu me le rendras quand tu seras enseignante. » Ce métier, elle le commence donc en Isère, puis décroche son certificat d’aptitude professionnelle et est nommée à Agnin où elle est élue au conseil municipal. Très vite, elle démissionne pour suivre Yves à Cachan. Elle est d’abord institutrice à l’école Paul-Doumer, puis à celle du Coteau avant d’en devenir directrice. « Je l’ai aimée, cette école ! Elle ne ressemblait à aucune autre. » Dans ses classes, alors bien pleines avec 32 élèves, elle accueille un grand nombre de nationalités. indique Marinette, car « j’y ai retrouvé l’esprit de mon école de campagne. En ville, les enfants sont tous les mêmes. Sauf à Cachan. Ils étaient différents. On trouve autre chose dans cette ville dont une grande diversité. Et j’accueillais tout le monde dans mon école, chacun y avait sa place… » Marinette en aura vu passer, des générations de Cachanaises et Cachanais, aujourd’hui grands, et eux-mêmes parents ! Elle se souvient qu’un jour « l’un de mes anciens élèves m’a dit que je n’avais pas été que sa maîtresse mais une dame qui aimait les enfants ».
Active et passionnée, elle l’a toujours été et le reste à la retraite. Elle devient déléguée départementale de l’Éducation nationale mais constate que « la façon d’enseigner ne me correspond plus. » Elle choisit de dispenser des cours d’alphabétisation à des femmes immigrées, « ce qui m’a aussi fait percevoir l’immigration différemment, comme un enrichissement mutuel. » Quand a eu lieu l’expo hommage de la Ville de Cachan à Yves, son mari, qui aurait eu 100 ans en 2019, « beaucoup de ces personnes sont venues voir le travail du mari de Mme Helbert », s’amuse Marinette. Aujourd’hui, celle qui refuse de se « laisser aller dans la vieillesse » estime ne pas avoir assez de temps pour suivre toutes les activités proposées par les centres socioculturels, le centre communal d’action sociale (CCAS)… sans oublier le chant, dont elle croit « à la vertu pour vivre mieux ». Toujours avide de culture et de contacts, la future nonagénaire a intégré un groupe d’échanges de savoirs où elle a rencontré Drissa. Elle lui apprend à lire et à écrire et lui, l’aide à entretenir son jardin. « J’ai besoin de passer du temps dans ce jardin. Je reste une fille du sol. Mais la nature ne me suffit pas. J’ai besoin des autres ». Comme les autres ont besoin de ce soleil qui n’est pas que dans son accent.
Bio express
1991 : retraite
1983 : directrice de l’école du Coteau
1973 : mariage avec Yves Helbert, arrivée à Cachan et nomination comme enseignante à l’école Paul-Doumer, puis à l’école du Coteau
1962 : CAP d’enseignante
13 août 1935 : naissance